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Les allègements de cotisations sociales patronales sur les bas salaires en France de 1993 à 2009

Les allégements de cotisations sociales patronales sur les bas salaires, instaurés en 1993 et progressivement étendus depuis, constituent aujourd’hui une composante majeure de la politique en faveur de l’emploi en France.

Depuis le 1er juillet 2007, ces allégements prennent la forme d’une exonération de 26 points des cotisations sociales patronales au niveau du Smic dans les entreprises de plus de 20 salariés (et de 28,1 points dans les entreprises de moins de 20 salariés), leur montant étant ensuite linéairement décroissant jusqu’à 1,6 Smic. Le coût brut de ces exonérations pour les finances publiques était de 22,2 Mds€ pour l’année 2009.

Ce montant ne tient pas compte des recettes liées à leurs effets positifs sur l’emploi et des moindres dépenses d’indemnisation chômage qui en découlent.

Ce document d’études présente une synthèse actualisée1  et une mise en perspective des résultats des principales études consacrées à ce dispositif.

Les études disponibles conduisent généralement à considérer cette politique comme fortement créatrice d’emplois, même si l’ampleur exacte des effets prête à débat. Au vu des différentes études menées sur la période 1993-1997, il semble raisonnable de considérer que les allégements mis en place entre 1993 et 1997 auraient permis de créer ou de sauvegarder entre 200 000 et 400 000 emplois, soit un coût brut par emploi compris entre 20 000 € et 40 000 € (en euros de 2009). Après prise en compte des cotisations sociales et des moindres dépenses de minima sociaux et d’allocations chômage générées par le surcroît d’emploi, le coût net serait compris entre 8 000 € et 28 000 € environ (soit 12 000 € de moins que le coût brut).

A partir de 1998, la combinaison de l’extension des allégements et d’autres mesures importantes de politique économique (RTT, puis convergence vers le haut du Smic et des GMR) complique l’évaluation des effets sur l’emploi du dispositif. Sur la base des estimations menées sur la période 1993-1997, une extrapolation simple mais fragile - fondée notamment sur l’hypothèse forte de « rendements constants » dans les effets des allégements sur l’emploi alors même que le barème a été significativement étendu entre 1997 et 2009 - suggère que 550 000 à 1,1 millions emplois seraient détruits en l’espace de quelques années si l’on supprimait totalement les allégements. Une évaluation plus conservatrice, retenant l’hypothèse que les rendements dans les effets sur l’emploi des allégements auraient été diminués de moitié pour la deuxième vague mise en œuvre à partir de 1998, ramènerait cette estimation entre 400 000 et 800 000 emplois.

Les quelques études empiriques menées sur la réforme « Fillon », qui a combiné l’unification du barème des allégements généraux et la convergence vers le haut des différents salaires minima créés lors du passage aux « 35 heures », suggèrent que le surcroît d’allégements sur la période 2003-2005 a globalement compensé l’effet négatif sur l’emploi de la convergence vers le haut des rémunérations minimales issues de la RTT.

Les effets des allégements de cotisations sociales patronales sur l’évolution des salaires sont a priori ambigus : la baisse du chômage ainsi que le partage du surplus entre salarié et employeur peuvent conduire à une hausse des salaires négociés ; inversement la progressivité des taux de cotisation peut limiter la progression des salaires, en rendant plus coûteuse pour l’employeur l’augmentation de salaire avec les gains de productivité. Les études empiriques existantes ne permettent pas de conclure à l’existence d’effets significatifs de « trappe à bas salaires ».

  • 1Une première synthèse portant principalement sur les résultats des études couvrant la période 1993-1997 a été publiée dans le rapport du Conseil d’Analyse Economique « Salaire minimum et bas revenus » (Boissinot et alii (2008)).