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Évaluation de la loi du 4 mai 2004 sur la négociation d'accords dérogatoires dans les entreprises

La loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 a ouvert la faculté de négocier des accords collectifs (au niveau de l’entreprise notamment) dérogeant in pejus à des accords couvrant un champ professionnel ou territorial plus large (accords de branche, accords interprofessionnels, etc.).

A la condition que ces derniers n’interdisent pas ce type de dérogation.

L’étude présentée ici vise à évaluer la mise en œuvre de cette faculté de déroger à partir de monographies d’entreprises et de branches conventionnelles. Constatant que, sur la période 2004-2007, le nombre d’accords réputés dérogatoires au sens de la loi du 4 mai 2004 était insignifiant, les auteurs ont été amenés à centrer l’analyse sur les raisons du non-usage de la possibilité de signer des accords dérogatoires au niveau des entreprises.

La complexité ressentie comme excessive du nouveau cadre légal, l’inadéquation du dispositif au regard des pratiques et des enjeux de la négociation collective dans les entreprises, l’existence d’une incertitude juridique forte autour de la notion de dérogation, et le verrouillage du dispositif par les acteurs des branches conventionnelles, sont autant de raisons identifiées expliquant le non-usage de la faculté de déroger.

Plus largement, c’est la question de l’articulation des niveaux de négociation collective qui est réexaminée dans l’étude, le caractère dérogatoire et plus ou moins favorable d’un accord collectif par rapport à un autre étant dans de nombreux cas difficile à établir.

Enfin, un effet paradoxal de la possibilité de signer des accords dérogatoires dans les entreprises est d’avoir amené les acteurs des branches professionnelles à réaffirmer leur volonté de garder la main sur la définition de certains éléments du statut professionnel des salariés, en introduisant des clauses restrictives dans les nouveaux accords collectifs.

L’analyse juridique des multiples formulations employées dans les accords de branche pour restreindre les marges de négociation au niveau de l’entreprise révèle ainsi le degré de complexité élevé atteint en matière d’articulation des normes conventionnelles.