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Zoom sur les expositions à 4 produits chimiques cancérogènes

Sommaire

Les expositions aux gaz d’échappement diesel restent depuis 2003 celles qui touchent le plus grand nombre de salariés. Les expositions à la silice cristalline et à l’amiante, parmi les plus dangereuses, sont toujours présentes. Le formaldéhyde est quant à lui utilisé dans de nombreux secteurs.

Parmi les 28 produits chimiques cancérogènes recensés dans l’enquête Surveillance médicale des expositions des salariés aux risques professionnels (Sumer) de 2017, quatre se distinguent par la fréquence à laquelle les salariés y sont exposés et/ou leur dangerosité.

Les gaz d’échappement diesel : le produit cancérogène le plus fréquent au travail

Les gaz d’échappement diesel ont été classés par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) comme cancérogènes pour l’homme en 2012, notamment du fait de leur teneur élevée en hydrocarbures aromatiques polycycliques. Les expositions aux gaz d’échappement diesel sont celles qui touchent le plus grand nombre de salariés : 995 000 en 2017, soit 4 % d’entre eux (tableau E1) ; c’était déjà le cas en 2003. Ces expositions concernent davantage les salariés de la fonction publique territoriale (8 % d’entre eux), les hommes (8 %) et les ouvriers qualifiés (14 %) (tableau E1).
 

Tableau E1 - Expositions à 4 produits chimiques cancérogènes lors de la dernière semaine travaillée, en 2017

Parmi les salariés exposés (en %)

  Gaz
d'échappement diesel
Silice cristalline Amiante Formaldéhyde
Effectif de salariés exposés 995 100 358 400 121 800 185 900
         
Proportion de salariés exposés (en %)        
Ensemble 4 ,0 1,5 0,5 0,8
Sexe        
Hommes 7,5 2,7 0,9 0,7
Femmes 0,5 0,2 0,1 0,8
Catégorie socioprofessionnelle        
Cadres et professions intellectuelles supérieures 0,4 0,2 0,1 0,6
Professions intermédiaires 1,8 1,0 0,5 0,7
Employés administratifs (public/privé) 0,6 0,0 0,2 0,1
Employés de commerce et de service 1,6 0,1 0,0 1,3
Ouvriers qualifiés 14,4 5,5 1,7 1,0
Ouvriers non qualifiés/agricoles 6,2 2,4 0,4 0,3
Secteur d'activité        
Agriculture 9,9 1,0 0,1 0,0
Industrie 2,4 2,8 0,7 1,1
Construction 6,1 12,3 3,1 0,3
Tertiaire 4,0 0,5 0,3 0,7
Type d'employeur        
Secteur privé 4,0 1,7 0,5 0,7
Fonction publique d'État 2,1 0,4 0,4 0,9
Fonction publique territoriale 8,0 0,5 0,6 0,9
Fonction publique hospitalière 0,5 0,0 0,1 1,2

Lecture : en 2017, 4 % de l'ensemble des salariés sont exposés aux gaz d'échappement diesel, ce qui représente 995 100 salariés.
Champ : ensemble des salariés ; France hors Mayotte.            
Source : DGT-Dares, enquête Sumer 2017.

20 % des salariés exposés le sont sur des durées longues (20 heures ou plus par semaine) et 9 % à une intensité forte ou très forte (tableau 2). Pour quatre salariés exposés sur dix, aucune mesure de protection collective n’est signalée. Seulement 15 % des salariés exposés bénéficient d’équipements de protection collectifs, en dehors de la ventilation générale. Par exemple, des garages automobiles ne sont pas encore équipés de système d’aspiration à la source des gaz d’échappement.

Entre 2003 et 20172, l’aspiration à la source évolue peu et concerne entre 8 % et 9 % des salariés exposés  (tableau 3). Sur la même période, la ventilation générale progresse de 8 points, passant de 14 à 22 % des salariés exposés. Les protections individuelles notamment respiratoires augmentent également de 8 points mais ne concernent encore en 2017 que 12 % des salariés exposés.
 

Tableau E2 - Détails de l'exposition lors de la dernière semaine travaillée, en 2017

Parmi les salariés exposés (en %)

  Gaz d'échappement diesel Silice cristalline Amiante Formaldéhyde
Durée d'exposition par semaine
Moins de 2 heures 32,8 38,6 64,7 46,3
De 2 à moins de 10 heures 26,5 28,6 9,2 28,2
De 10 à moins de 20 heures 12,8 8,6 3,3 8,3
20 heures ou plus 19,9 19,2 10,0 5,0
Sans indication de durée 8,1 5,2 12,9 12,3
Ensemble 100,0 100,0 100,0 100,0
Intensité de l'exposition
Non déclarée 24,9 15,2 33,5 45,2
Très faible 31,4 21,1 45,9 29,1
Faible 35,3 47,7 11,7 19,9
Forte 8,2 13,4 7,9 5,9
Très forte 0,3 2,5 1,0 0,0
Ensemble 100,0 100,0 100,0 100,0

Lecture : parmi les salariés exposés aux gaz d'échappement diesel, 32,8 % le sont en moyenne moins de deux heures par semaine en 2017.
Champ : ensemble des salariés ; France hors Mayotte.            
Source : DGT-Dares, enquête Sumer 2017.        

Tableau E3 - Évolution des protections collectives et individuelles des salariés exposés à l'un de ces 4 produits chimiques, entre 2003 et 2017    

Parmi les salariés exposés (en %)

  Gaz d'échappement diesel Silice cristalline Amiante Formaldéhyde
  2003 2017 2003 2017 2003 2017 2003 2017
Protections collectives
Aucune 46,1 43,5 39,1 46 43,2 26,7 32 38,2
Ventilation générale 14,4 22,3 12,1 18,6 9,9 13,6 25,5 29,6
Aspiration à la source 8,3 9 14 9,9 1,9 4,6 12,9 14,5
Vase clos 0,3 0,3 1,3 1,7 3,5 3,2 3,1 0,4
Autre 3 6,6 4,8 6,3 9,1 17,7 2,2 2,6
Non renseignées 27,8 18,3 28,6 17,6 32,4 34,3 24,4 14,8
Total 100 100 100 100 100 100 100 100
Protections individuelles
Cutanée 9,5 17,1 29,1 47,3 35,9 61,7 66,5 73,4
Respiratoire 4,4 12,4 38,5 51,1 47,9 68,1 29 29,3
Oculaire 4,3 10 26,4 38,1 20,6 51,2 28,5 20,5

Lecture : 43,5 % des salariés exposés aux gaz d'échappement diesel ne bénéficient d'aucune protection collective en 2017.
Champ : salariés exposés du privé et des hôpitaux publics, en France hors Drom.            
Source : DGT-Dares, enquêtes Sumer 2003, 2010 et 2017. 

L’exposition à la silice cristalline : toujours d’actualité

Le CIRC a reconnu la silice cristalline comme cancérogène dès 1996 et l’Union européenne en 20173. L’inhalation de poussières de silice cristalline peut entraîner, après un long délai de latence, l’apparition d’une silicose4, évoluant vers une insuffisance respiratoire chronique avec d’autres complications possibles [2]. Historiquement, ce sont surtout les salariés des mines et carrières, et ceux creusant des tunnels, qui ont souffert de cette pathologie. De nouvelles situations d’exposition ont émergé plus récemment, avec des concentrations élevées de silice, par exemple lors de la découpe et du ponçage de pierres reconstituées utilisées pour les plans de travail de cuisine ou de salles de bains [2][3].

En 2017, 360 000 salariés sont exposés à la silice, soit 1,5 % d’entre eux (tableau 1). Ce sont surtout des hommes, ouvriers qualifiés et non qualifiés, travaillant dans la construction. Pour près de 70 % des salariés concernés, les durées d’exposition sont de moins de 10 heures par semaine et les intensités sont faibles (tableau 2). Aucune protection collective n’est présente pour près de la moitié des salariés exposés (tableau 3). 19 % des salariés ont pour unique protection collective la ventilation générale, insuffisante pour préserver leur santé. Seuls 18 % bénéficient d’une autre protection collective, par exemple une aspiration à la source ou un vase clos, et ces protections n’ont pas progressé depuis 20035 (à champ constant). La protection individuelle respiratoire est mise à disposition de 51 % des salariés et a en revanche progressé au fil du temps (+18 points depuis 2003).

L’exposition à l’amiante toujours présente

En 2017, le nombre de salariés exposés à l’amiante est de 122 000, soit 0,5 % d’entre eux (tableau 1). Les hommes, les ouvriers qualifiés et les salariés travaillant dans la construction sont les plus concernés. Certains sont des professionnels du retrait de l’amiante (déflocage, décalorifugeage…). D’autres, plus nombreux, ont une exposition ponctuelle lors de rénovations de bâtiments (électriciens, plombiers, couvreurs…). Les salariés exposés à l’amiante le sont plutôt sur de courtes durées et à des intensités faibles (tableau 2).

Entre 2003 et 2017, pour les salariés du secteur privé et des hôpitaux publics, la protection a progressé6. Cette hausse a davantage concerné les protections individuelles que collectives. La part des salariés ne disposant d’aucune protection collective est passée de 43 % à 27 %, soit une baisse de 16 points. Dans le même temps, les protections individuelles respiratoires ont augmenté de 20 points (de 48 % à 68 %), les protections cutanées de 26 points et les protections oculaires de 31 points.

Le formaldéhyde : des expositions courtes et de faible intensité

Le formaldéhyde est utilisé dans de nombreux secteurs, notamment dans la fabrication de certaines résines (industrie du bois, du papier, de la construction, etc.) et comme désinfectant en milieu de soins. Il peut provoquer l’apparition de cancers naso-pharyngés, en cas d’exposition longue et intense.

En 2017, 186 000 salariés sont exposés au formaldéhyde (0,8 % de l’ensemble des salariés, tableau 1). Sept salariés exposés sur dix travaillent dans le secteur privé. Sont surtout concernées les activités de commerce et de service (5,5 % de salariés exposés), et de la santé (1,6 %). Pour ce produit, les femmes sont autant exposées que les hommes (0,8 % contre 0,7 %). Les expositions sont plutôt des durées courtes et d’intensités faibles (tableau 2). Les médecins signalent la présence de protection collective pour 18 % de ces salariés (hors ventilation générale) ; les salariés disposent principalement de protections individuelles cutanées (73 %). Entre 2003 et 2017, l’absence de protections collectives progresse de 32 % à 38 % pour les salariés exposés7. Par ailleurs, les protections cutanées augmentent de 67 à 73 % (tableau 3).

 


 

1 Les données portant sur 2017 concernent l’ensemble des salariés. Lorsque des évolutions des expositions et des protections sont commentées, elles portent sur le champ des salariés du secteur privé et des hôpitaux publics, couvert par l’enquête Sumer depuis 2003.
2 Les évolutions des protections collectives peuvent s’expliquer par la baisse progressive de la non-réponse à cette question.
3 Un arrêté a transposé dans le droit français la directive européenne ajoutant les poussières de silice cristalline alvéolaire issues de procédés de travail à la liste des agents cancérogènes le 26 octobre 2020. Elle est dorénavant classée 1A (classification survenue après la collecte Sumer 2017).
4 Il s’agit d’une pneumoconiose, due à l’inhalation prolongée de poussières de silice cristalline.
5 Les évolutions des protections collectives peuvent s’expliquer par la baisse progressive de la non-réponse à cette question.
6 Les évolutions des protections collectives peuvent s’expliquer par la baisse progressive de la non-réponse à cette question.
7 Les évolutions des protections collectives peuvent s’expliquer par la baisse progressive de la non-réponse à cette question.

 

Pour en savoir plus

[1] CIRC, « Monographies du CIRC sur l’évaluation des risques de cancérogénicité pour l’homme » 
[2] Anses, « Dangers, expositions et risques relatifs à la silice cristalline », Avis et rapport d’expertise, avril 2019
[3] OSHA and NIOSH, “Worker Exposure to Silica during Countertop Manufacturing, Finishing and Installation”, Hazard Alert, 2015


L’enquête Surveillance médicale des expositions des salariés aux risques professionnels (Sumer), élaborée par le ministère chargé du Travail (Dares-DGT) en partenariat avec la DGAFP (ministère de la Fonction publique), contribue à l'amélioration de la santé des salariés et de la prévention par la connaissance des expositions professionnelles. Les données sont recueillies tous les 7 ans depuis 1994. Ce dispositif repose sur l’expertise des médecins du travail volontaires, qui remplissent, avec le salarié, un questionnaire sur les expositions professionnelles pendant l’examen médical. Un auto-questionnaire que le salarié remplit seul permet également d’appréhender, depuis 2003, la façon dont il vit sa situation de travail.

L’enquête Sumer 2016-2017 couvre l’ensemble des salariés de France hors Mayotte, soit près de 25 millions de personnes.