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Télétravail durant la crise sanitaire

Quelles pratiques en janvier 2021 ? Quels impacts sur le travail et la santé ?

La crise sanitaire a favorisé une extension sans précédent du télétravail. En janvier 2021, 27 % des salariés le pratiquent, contre 4 % en 2019 ; 8 télétravailleurs sur 10 souhaitent le poursuivre, en réduisant cependant son intensité.

Début 2021, 7 télétravailleurs sur 10 en ont une pratique régulière qui accroit l’autonomie, mais aboutit à des horaires décalés et des durées de travail allongées. Le télétravail est associé à davantage de douleurs et de troubles du sommeil. Son vécu est contrasté selon les personnes. Pour les télétravailleurs qui ne disposent que de moyens matériels peu adaptés, voire inexistants, pour le travail à distance, le soutien social se détériore ainsi que les autres risques psychosociaux et les troubles de la santé. Pour les femmes et les agents de la fonction publique, le télétravail occasionne davantage de difficultés que pour les salariés du secteur privé.

Ceux qui pratiquent peu le télétravail, voire plus du tout début 2021 alors qu’ils y recouraient entre mars et décembre 2020, ont des conditions de travail proches de celles de l’ensemble des salariés.

En moyenne, les télétravailleuses connaissaient une plus forte dégradation de l’intensité du travail que leurs homologues masculins, qu’elles soient en télétravail régulier ou non (tableau 1). Par rapport à l’avant crise, elles sont plus nombreuses à subir une augmentation de la pression au travail, devoir penser à trop de choses à la fois, ou encore, recevoir des ordres contradictoires.

Les télétravailleuses signalent davantage que les télétravailleurs la dégradation des exigences émotionnelles : elles ressentent davantage une hausse des tensions au travail et sont plus souvent bouleversées dans leur travail.

Par rapport à l’avant crise, elles sont plus nombreuses à se voir reprocher par l’entourage, leur manque de disponibilité (tableau 2).

Une partie de l’explication vient de la différence dans la composition des profils de télétravailleurs, le groupe de ceux qui éprouvent des difficultés matérielles dans sa mise en œuvre (« vulnérables ») étant le plus féminisé. Toutefois, au-delà de ces effets de composition, l’écart entre genre persiste au sein du groupe qui télétravaille toute la semaine (« exclusifs ») : la conciliation vie professionnelle/
personnelle est plus difficile pour les femmes qui se situent dans ce groupe [5 et 6].

La seule dimension qui se difficile moins pour les télétravailleuses est le sentiment d’insécurité de l’emploi.

TABLEAU 1 | Dégradation des conditions de travail selon le genre
En points de pourcentage

 

TABLEAU 2 | Évolution des reproches de l’entourage par rapport à l’avant-crise selon le groupe
En points de pourcentage

 

Même au sein de groupes homogènes en matière de pratique du télétravail, les conditions de travail évoluent différemment pour les agents de la fonction publique et les salariés du privé (tableau 2).

Comparativement au secteur privé, le télétravail dans le public s’accompagne d’une plus forte dégradation des conditions de travail selon plusieurs dimensions : les conflits de valeur, les difficultés de conciliation entre vie privée et professionnelle, les exigences émotionnelles, la durée et l’intensité du travail.

En revanche, les télétravailleurs du public sont relativement préservés du sentiment d’insécurité de l’emploi : ce dernier a augmenté avec la crise chez tous les télétravailleurs mais de manière bien plus marquée dans le privé (+30 points, contre +11 points dans le public). Un peu plus que ceux du privé, les télétravailleurs réguliers du secteur public ont gagné en autonomie et retrouvé plus de sens à leur travail.

TABLEAU 3 | Dégradation des conditions de travail selon le type d’employeur
En points de pourcentage

 

L’enquête TraCov vise principalement à décrire les conséquences concrètes de la crise sanitaire sur les conditions de travail et les risques psychosociaux des actifs. Elle s’attache à mesurer les évolutions des conditions de travail perçues par les travailleurs par rapport à la période précédant l’apparition de l’épidémie. Ces descriptions sont éclairées par les trajectoires professionnelles et les conditions d’emploi des individus enquêtés depuis le début de la crise. La collecte de l’enquête a été réalisée par l’institut Ipsos du 27 janvier au 7 mars 2021.

Le questionnaire porte sur la durée et les rythmes de travail, l’usage des outils numériques, le télétravail, l’(in)sécurité sanitaire et économique, les exigences émotionnelles, le soutien social au travail, les conflits éthiques, l’articulation vie privée/vie professionnelle, la prévention sur les lieux de travail, etc. Concernant la santé, le questionnaire recueille des éléments sur la santé perçue, les douleurs, les troubles du sommeil, le bien-être psychologique (suivant le score de bien-être réduit WHO-5), ainsi que la contamination au Covid-19 et son éventuel lien avec le travail. 

L’enquête couvre l’ensemble des personnes de 20 à 62 ans ayant travaillé au moins une semaine entre mars 2020 et janvier 2021.

50 000 personnes ont été sélectionnées aléatoirement dans le fichier Fideli (taxe d’habitation). Afin de réduire le nombre de personnes hors champ, n’ont été retenues que celles ayant perçu un revenu d’activité ou une indemnité chômage en 2018. De ce fait, l’enquête ne couvre pas les nouveaux entrants sur le marché du travail. 17 216 répondants avaient un emploi et travaillaient effectivement en janvier 2021, dont 14 340 salariés en France métropolitaine, hors activité partielle totale ou fermeture administrative. L’échantillon a fait l’objet d’un redressement de la non-réponse et d’un calage sur marges qui lui assure une structure similaire à celle des actifs occupés.