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Salaire minimum interprofessionnel de croissance - rapport 2014

Conformément à la loi du 3 décembre 2008, le nouveau groupe d’experts indépendants nommé en mai 2013 livre ici son analyse du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) et son avis sur son évolution.

Les analyses qui précèdent concernent certain aspects du SMIC, la façon dont la politique de salaire minimum française se compare à celle d'autres grands pays, et le cadre conjoncturel dans lequel s'inscrit la revalorisation du SMIC qui doit avoir lieu au 1er janvier 2015. En résumé, elles conduisent à la conclusion générale que les conséquences structurelles d'une hausse du SMIC étudiées dans ce rapport ainsi que dans les précédents ne conduisent pas à remettre en cause la préconisation d'extrême prudence que suggère le contexte conjoncturel. 

S'agissant des comparaisons internationales, il reste vrai que, rapporté au salaire médian de façon à prendre en compte les  spécificités nationales en matière de prix et de rémunération, le salaire minimum français reste l'un des plus élevés parmi les grands pays développés, y compris le Royaume-Uni, les États-Unis et prochainement l'Allemagne. La différence est moindre lorsque l'on raisonne en coût total du travail au niveau du salaire minimum par rapport à ce coût au salaire médian du fait de l'allègement massif de cotisations employeurs au niveau du SMIC, récemment renforcé par le CICE. La France reste cependant parmi les pays où le coût minimum du travail est relativement le plus élevé. Par ailleurs, si les allègements de cotisations patronales diminuent  vraisemblablement l'impact du SMIC sur l'emploi au voisinage du SMIC, leur coût ne peut avoir que des effets négatifs pour les  finances publiques et l'ensemble de l'économie. Il est par ailleurs à souligner que, par rapport à la plupart des grands pays, la France se caractérise par une règle de revalorisation automatique du salaire minimum très rigide. Cette rigidité est accrue en période de faible croissance salariale, et se voit épisodiquement renforcée par des "coups de pouce" discrétionnaires.

Entre la dernière revalorisation avant la crise (2008) et la revalorisation de 2014, le SMIC a augmenté de 10,5%. Dans le même temps, le salaire moyen par tête a crû de 11% et le salaire horaire de base (SHBO) de 12%. Cette proximité entre l'évolution du SMIC et celle de ces deux indices salariaux est à rapprocher de la très grande stabilité que l'on observe dans le bas de la hiérarchie salariale et qui peut constituer une contrainte à l'emploi dans certaines branches. Est-ce le SMIC qui suit le salaire moyen, à travers les coups de  pouce épisodiques, ou le salaire moyen qui suit le SMIC? Cette question est à approfondir, notamment en période de faible croissance. 

Une autre similitude entre le SMIC, ou plus exactement les bas salaires, et les salaires plus élevés dans l'échelle des rémunérations est leur flexibilité. Certes, sur la période 2003-2011 qui inclut la crise récente, cette flexibilité est moindre pour les bas salaires mais elle  est loin d'être négligeable. En moyenne sur ces 8 années, 26% des salariés ont connu une baisse de salaires entre deux années consécutives. Même si elle est plus faible, cette proportion est tout de même de 16% pour ceux qui se situent dans le premier décile de salaires. La cause en est que ces salariés reçoivent généralement le SMIC, par définition non flexible, mais aussi des rémunérations variables sous forme d'heures supplémentaires, de primes et d'épargne salariale. Selon l'enquête sur la structure des  salaires de l'INSEE, la rémunération moyenne horaire des salariés au voisinage du SMIC (définis par un salaire de base en-deçà de 9 €) était en effet de 12,9 € en 2010 pour un SMIC horaire brut de 8,9 €.

Une contribution importante de ce rapport porte sur les conséquences redistributives du SMIC. Un exercice de microsimulation portant sur un échantillon représentatif des ménages a permis d'évaluer l'incidence d'une hausse du SMIC sur la distribution des niveaux de vie des Français. Une fois pris en compte les effets décroissants de contagion d'une hausse du SMIC le long de la hiérarchie salariale ainsi que ses effets négatifs sur les transferts reçus par les ménages modestes (RSA activité, aide au logement, …), les résultats montrent qu'une telle mesure est faiblement progressive. Une hausse de 1% du SMIC augmente le niveau de vie des cinq premiers déciles dans des proportions similaires se situant entre 0,11% (pour le premier décile) et 0,14% (pour le quatrième décile) et n'affecte que marginalement les deux déciles supérieurs. Les résultats seraient très probablement moins favorables pour les premiers déciles si les effets indirects d'une hausse du SMIC sur l'emploi étaient pris en compte. Quoi qu'il en soit, un enseignement important de cette simulation est que l'effet d'une hausse du SMIC sur la pauvreté, une baisse au total de 0,1 point pour une hausse de 1% du SMIC, est limité et son impact sur la distribution des niveaux de vie relativement diffus. Une comparaison fine reste à établir mais il existe des instruments qui à l'évidence permettent une redistribution plus ciblée vers les bas déciles de niveau de vie.

S'agissant à présent du contexte conjoncturel, on ne peut que souligner le climat dégradé de l'économie et du marché du travail. La croissance est faible, la montée du chômage n'est partiellement enrayée que grâce aux contrats aidés dans le secteur non-marchand, et depuis la crise de 2009 le coût du travail croît plus vite que la productivité, érodant ainsi la compétitivité de l'économie française. On sait par ailleurs que l'ajustement qui reste à effectuer dans les finances publiques est considérable et qu'il y a peu à attendre d'un effet de relance d'une hausse du SMIC du fait de son incidence négative sur les finances publiques, à travers les allègements de cotisations patronales, et sur l'emploi66. Des mesures ont été prises, comme le CICE, ou sont en voie de l'être, comme le pacte de solidarité ou la loi sur l'activité et la croissance, qui sont susceptibles d'améliorer la situation dans le futur. Dans les conditions actuelles, cependant, ce groupe d'experts ne peut que recommander une hausse du SMIC au 1er janvier 2015 qui n'aille pas au-delà des mécanismes automatiques légaux de revalorisation.

La Dares est rapporteur du groupe de travail des experts SMIC.

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