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Salaire minimum interprofessionnel de croissance - rapport 2011

Conformément à la loi du 3 décembre 2008, le nouveau groupe d’experts indépendants nommé en mai 2013 livre ici son analyse du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) et son avis sur son évolution.

La revalorisation du salaire minimum, qui s’inscrit dans le cadre des règles issues de la loi du 2 janvier 1970, recouvre de multiples enjeux qui dépassent la seule question, certes cruciale, de l’évolution à court terme du pouvoir d’achat pour les salariés concernés.

La dynamique du SMIC influence directement l’évolution du coût du travail, notamment peu qualifié, et par suite le développement de l’emploi dans un contexte où les entreprises font face à une grande incertitude sur leurs débouchés et sont soumises à une  pression concurrentielle intense. Nous rappelons, à ce titre, les effets positifs sur l’emploi de la politique d’exonérations de charges sur les bas salaires. Avec le recul, un consensus s’est formé pour considérer que ces allègements ont un effet favorable sur l’emploi  très élevé (800 000 personnes). Cette politique est sans doute l’une des plus efficaces en termes de coût par emploi créé. En outre, aucun élément empirique probant ne vient attester un impact négatif sur la dynamique salariale et le déroulement des carrières.

Cette politique doit être maintenue dans la durée, la stabilité étant d’ailleurs une condition essentielle de son efficacité. Des analyses récentes montrent que les jeunes qui commencent sur des emplois faiblement rémunérés, connaissent rapidement une progression dans la hiérarchie salariale. 

Ainsi un emploi rémunéré au SMIC constitue dans nombre de cas une situation temporaire. Trois ans après leur entrée sur le marché du travail, les trois quarts des jeunes dont la rémunération initiale se situait par les 10 % les plus faibles ont évoluée vers des rémunérations supérieures. A horizon de cinq ans, la proportion est de 82 %. L’existence d’une progression salariale continue et relativement soutenue chez les jeunes invite à porter davantage l’attention sur la question des conditions de leur accès à l’emploi et,  par conséquent, sur celle du coût du travail. 

En revanche, l’augmentation rapide du SMIC entraîne de façon mécanique un tassement de la distribution des salaires et une réduction de l’espace de la négociation collective, comme cela a été le cas entre 1994 et 2005. Depuis, la gestion prudente des  relèvements du salaire minimum associée à la relance par les pouvoirs publics de la négociation salariale de branche a contribué à desserrer progressivement la distribution des salaires, à réduire la proportion de salariés rémunérés au SMIC et à améliorer très  sensiblement la conformité au SMIC des grilles conventionnelles. Toutefois, les éventails de salaires restent encore limités au sein des
branches professionnelles, l’accent ayant été mis principalement sur la remise à niveau des minima conventionnels.

Ces évolutions, par nature assez lentes, nécessitent une grande constance dans la politique suivie. Un certain temps sera encore nécessaire pour que les écarts hiérarchiques redeviennent suffisants pour prendre en compte les différents niveaux de qualification dans les grilles et assurer le bon déroulement de carrière des salariés. Par ailleurs, dès lors que les relèvements du SMIC se  répercutent sur les salaires supérieurs, la croissance de ces derniers vient en retour alimenter les hausses de SMIC du fait
même des règles de revalorisation. Cet effet de circularité impose une gestion parcimonieuse des coups de pouce au fil du temps, ceux-ci se traduisant toujours par un surcroît de revalorisation à terme. En outre, un dynamisme du SMIC poussé par une  politique discrétionnaire de revalorisation trop forte contribuerait à aggraver les pertes de compétitivité de la France dans la zone euro. 

Si le nombre total d’heures travaillées reste le premier déterminant du revenu salarial, le système de transferts et de prélèvements assure une redistribution puissante au profit des salariés faiblement rémunérés et permet de réduire leur taux de pauvreté plus  efficacement et sans effet préjudiciable pour l’emploi qu’une hausse du salaire minimum. En particulier, les dispositifs de soutien au revenu du travail comme la PPE et le RSA ont contribué ces dernières années de manière tout à fait significative à la croissance du revenu disponible des salariés rémunérés au SMIC.

A la lumière de ces constats, le groupe de travail préconise, à l’unanimité de ses membres, de limiter le prochain relèvement du SMIC qui doit prendre effet le 1er janvier 2012, à l’application des mécanismes automatiques légaux. Au total, compte tenu de la revalorisation automatique de 2,1%, qui sera effectuée au 1er décembre 2011, cette application aboutira à une revalorisation supplémentaire très faible au 1er janvier 2012.

La Dares est rapporteur du groupe de travail des experts SMIC.

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