Publication

Quels sont les salariés les plus touchés par les accidents du travail en 2019 ?

En 2019, sur le champ des salariés affiliés au régime général ou à la mutualité sociale agricole, ainsi que des agents des fonctions publiques territoriale et hospitalière, 783 600 accidents du travail avec au moins un jour d’arrêt sont comptabilisés en France.

Cela représente 20,4 accidents par million d’heures rémunérées. 39 650 accidents du travail donnent lieu à la reconnaissance d’une incapacité permanente et 790 sont mortels.

Le risque d’accident du travail grave est plus élevé dans la construction, l’agriculture, les industries extractives, le travail du bois, le transport et l’entreposage. La fréquence et la gravité des accidents du travail sont particulièrement importantes dans les activités de gros œuvre, de couverture et de charpente, ainsi que dans la manutention de marchandises ou de bagages.

Pour les salariés âgés, les accidents sont moins fréquents, mais plus graves que pour les jeunes. Les accidents graves et mortels touchent davantage les ouvriers. À catégorie socioprofessionnelle identique, ils sont plus répandus chez les hommes que chez les femmes.

En dépit du processus d’harmonisation du décompte des accidents du travail au niveau européen, les données ne sont pas totalement comparables entre pays, compte tenu des spécificités nationales des systèmes d’assurance et des cadres de reconnaissance. Dans le cas de la France, ces deux facteurs conduisent à retenir une vision relativement étendue du phénomène.

Sinistralité des accidents du travail selon le secteur d’activité en 2019

Même si le cadre législatif des statistiques européennes sur les accidents du travail (SEAT) favorise l’harmonisation de la mesure, en particulier en France, compte tenu de la multiplicité de ses régimes d’assurance accident du travail, les données demeurent difficilement comparables d’un pays à l’autre. D’une part, les systèmes d’assurance diffèrent: ils peuvent être universels (couverture des accidents du travail par la sécurité sociale) ou assurantiels (couverture spécifique pour le risque professionnel). D’autre part, le cadre de reconnaissance des accidents du travail n’est pas le même dans tous les pays de l’Union européenne.

Des différences de système d’assurance

Dans les pays ayant un système d’assurance spécifique pour les risques professionnels, la prise en charge des accidents du travail est souvent plus complète que dans les systèmes d’assurance universelle n’opérant pas de distinction selon l’origine de l’accident. Selon une étude récente, cette différence se traduit par une sous-déclaration importante des accidents du travail dans les systèmes d’assurance universelle : sur la période 2010-2019, les taux d’incidence dans le système universel ont toujours été inférieurs à la moyenne des systèmes assurantiels des risques professionnels, d’un facteur de 2 à 3.

Des différences de cadre de reconnaissance

Le cadre de reconnaissance des accidents du travail présente aussi des différences entre pays européens. Une étude comparant les statistiques françaises et allemandes entre 2010 et 2014  met en avant la prise en compte différenciée des accidents de trajet et celle des malaises fatals sur le lieu de travail. En France, à de rares exceptions près, tout décès sur le lieu de travail ou lié à l’activité professionnelle est présumé être un accident du travail mortel. En Allemagne, au contraire, les décès dont le lien avec l’activité professionnelle n’est pas prouvé ne sont pas comptés comme accidents du travail mortels.

Ainsi, bien que la méthodologie européenne n’exclut pas la notion de la présomption d’imputabilité, certains pays renversent la charge de la preuve et ne reconnaissent pas une partie des sinistres mortels comme accident du travail. En France, les malaises fatals représentent plus de la moitié des accidents du travail mortels en 2019.

De même, alors qu’un accident est considéré comme mortel dans la mesure où la victime décède dans l’année qui suit l’accident selon la définition SEAT, les décès aux Pays-Bas ne sont imputés aux accidents que si la victime décède le jour de l’accident. En Allemagne, les décès sont considérés comme résultant d’accidents lorsque la personne concernée décède dans les trente jours suivant l’événement; dans d’autres pays comme la France, la Grèce et la Belgique, il n’y a pas de délais officiels pour la survenue du décès et donc l’enregistrement des liens de causalité entre les accidents et les décès. En Suisse, il n’y a plus de délai officiel pour imputer les conséquences mortelles aux accidents du travail; c’est l’expertise qui en sert de base.

L’impact de ces écarts sur les statistiques européennes Le ratio entre accidents mortels et accidents non mortels permet d’illustrer l’impact sur les statistiques européennes des différences de système d’assurance et de cadre de reconnaissance des accidents du travail précédemment énumérées. Il est d’environ 1,3 accident mortel pour 1000 accidents non mortels dans l’ensemble de l’Union européenne et 1,40 en France. Il est inférieur aux Pays-Bas (0,47), en Allemagne (0,54) et en Suisse (0,63) et inversement supérieur en Lettonie (15), en Bulgarie (46) et en Roumanie (50). Comparé au mode d’instruction des accidents du travail en France, ces disparités pourraient être expliquées par une sous-reconnaissance des accidents mortels pour les uns et une sous-déclaration des accidents non mortels pour les autres.

L’ensemble de ces éléments conduisent la Dares à ne pas entreprendre de comparaisons européennes.

Définition des accidents de travail en France

Dans le système français de sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, « tout accident provoquant une lésion corporelle ou psychique, quelle qu'en soit la cause, survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise »1 . Le salarié victime d’un accident bénéficie d’une présomption d’imputabilité : dès lors qu’un accident survient sur le lieu et durant le temps de travail, il est présumé être un accident du travail. Pour les agents de la fonction publique, un changement récent de la législation2 retranscrit, globalement, la présomption d’imputabilité applicable aux salariés du secteur privé victimes d’accidents du travail. Les accidents déclarés sont soumis à une procédure de reconnaissance par les caisses d’assurance maladie ou par leur administration (pour les accidents remontés par la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales).

Champ des statistiques portant sur les accidents du travail diffusées par la Dares

Les statistiques diffusées par la Dares résultent d’un travail d’harmonisation des données d’accident du travail des salariés couverts par trois caisses : la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam), la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) et la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL). Ce travail d’harmonisation permet de répondre à l’obligation européenne de transmission à Eurostat des données portant sur les accidents de travail3 . La méthodologie adoptée est celle des Statistiques européennes sur les accidents du travail (SEAT). Néanmoins, il existe des différences entre les statistiques publiées par Eurostat et les statistiques publiées par la Dares (voir partie suivante).

Ainsi, la Dares publie des indicateurs statistiques sur les accidents du travail de l’ensemble des salariés, du secteur privé ou public, excepté ceux :

  • pris en charge par la fonction publique de l’État, qui ne dispose pas de système d’information centralisé des accidents du travail ;
  • couverts par certains régimes spéciaux4 , qui ne sont pas intégrés dans les données transmises à Eurostat ;
  • des salariés détachés des autres pays de l’Union européenne et qui travaillent en France, du fait de l’absence d’échange des données portant sur les accidents du travail entre les pays communautaires5 .

Les statistiques de la Dares sont ventilées selon certaines caractéristiques des salariés et de leurs emplois : secteur d’activité, sexe, tranche d’âge et catégorie socioprofessionnelle. Ces ventilations permettent d’identifier les facteurs susceptibles d’accroître le risque de subir un accident avec arrêt et, parmi eux, un accident grave (avec incapacité partielle permanente) ou mortel.

Différences entre les statistiques françaises sur les accidents du travail publiées par la Dares et celles diffusées par Eurostat

Il existe des différences entre les statistiques publiées par Eurostat, issues de l’obligation européenne de transmission des données portant sur les accidents du travail, et celles de la présente étude.

La plus importante porte sur le critère retenu pour dénombrer ces accidents. L’obligation de transmission des données à Eurostat porte sur les accidents du travail ayant entraîné au moins quatre jours d’arrêt de travail, alors que dans la présente publication, sont retenus l’ensemble des accidents du travail dès le premier jour d’arrêt. La présente publication compte près de 88 000 accidents du travail avec 1 à 3 jours d’arrêt, qui ne sont donc pas remontés et diffusés par Eurostat.

L’autre différence majeure entre les statistiques de la Dares et celles d’Eurostat résulte de l’exclusion, dans la présente étude, des accidents du travail de la fonction publique d’État. Pour répondre à l’obligation européenne, faute de système d’information, la fonction publique d’État produit des statistiques sur les accidents du travail de ses agents à partir d’une estimation issue des enquêtes Conditions de travail – Risques psychosociaux (CT-RPS) de la Dares. Les statistiques issues des enquêtes CT-RPS, contrairement à celles issues des données administratives, ne permettent ni une analyse sectorielle fine, ni le repérage des accidents avec incapacité partielle permanente. Pour ces raisons, les données relatives aux accidents du travail de la fonction publique d’État sont exclues du champ de la présente étude, représentant un peu plus de 67 000 accidents.

  Nombre d’accidents du travail Nombre d’accidents du travail concernés par l’exclusion ou l’intégration
Nombre d’accidents diffusés par Eurostat 778 820  
Intégration des accidents du travail avec 1 à 3 jours d’arrêt 866 800 87 980
Exclusion des accidents de la fonction publique d’État 799 441 67 359
Exclusion des accidents survenus avant 2019 dont le caractère incapacitant est reconnu en 20196 783 617 15 824

Lecture : en 2019, 778 820 accidents du travail sont dénombrés en France, suivant les données transmises à Eurostat. Dans la présente étude, les accidents du travail avec 1 à 3 jours d’arrêt sont ajoutés (soit 87 9800 accidents), portant le décompte des accidents du travail à 866 800.
Champ : France (hors Mayotte), salariés affiliés au régime général ou à la mutualité sociale agricole et agents des fonctions publiques d’État, territoriale et hospitalière.
Source : Cnam, CCMSA, enquête Conditions de travail – Risques psychosociaux.

Indicateurs sur les accidents du travail

Accidents du travail avec arrêt 
Les accidents du travail avec arrêt correspondent aux accidents engendrant, au cours de l’année de référence, un premier versement d’une indemnité journalière pour arrêt de travail d’au moins un jour. À la demande d’Eurostat, la Dares ne transmet au système statistique européen que les accidents du travail avec au moins quatre jours d’arrêt. Ainsi, les statistiques de la présente publication ne sont pas comparables avec les statistiques d’Eurostat portant sur les accidents du travail.

Jours d’arrêt de travail 
Les arrêts de travail causés par l’accident du travail sont rémunérés par les indemnités journalières. Elles sont versées à la victime durant toute la période au cours de laquelle elle doit interrompre son travail, que les jours concernés soient ouvrables ou non. Ainsi, les jours d’arrêt de travail correspondent à des jours calendaires.

Accidents graves et mortels 
Les accidents graves sont les accidents du travail entraînant des séquelles physiques permanentes. Un médecin attribue aux accidents du travail qui entraînent de telles séquelles un taux dit d’incapacité partielle permanente (IPP), qui peut s’échelonner entre 1 et 100 %. 

Dans le régime général, la caisse primaire d’assurance maladie fixe le taux d’incapacité définitive après avis de son médecin-conseil et, dans certains cas, du médecin du travail (notamment lorsque l’incapacité permanente présentée par le salarié est susceptible de le rendre inapte à l’exercice de sa profession). Au sein du régime agricole, une commission des rentes, composée d’administrateurs de la CCMSA, arrête un taux d’incapacité sur proposition du médecin-conseil. Enfin, pour les agents des fonctions publiques territoriale et hospitalière, les taux sont issus du barème du code des pensions civiles et militaires, en lieu et place du barème issu du code de la sécurité sociale.

Ces différences de traitement des accidents graves selon les caisses d’assurance ne permettent pas de proposer une mesure harmonisée portant sur le niveau de ces taux d’IPP, tels des taux moyens par catégorie de salariés. En revanche, il est possible de dénombrer les accidents dont le caractère grave est reconnu, uniquement pour des séquelles physiques, en retenant ceux pour lesquels un taux d’incapacité est fixé au cours de l’année de référence.

Les accidents mortels correspondent aux accidents entraînant le décès de la victime.

Risque d’exposition aux accidents du travail
La fréquence des accidents du travail (appelé aussi « taux de fréquence ») désigne un nombre moyen d’occurrences par million d’heures rémunérées, pour les accidents du travail avec arrêt et les jours d’arrêt de travail, ou par milliard d’heures rémunérées, pour les accidents du travail graves ou mortels. Le nombre d’heures rémunérées, incluant entre autres les congés payés, est la seule variable de durée du travail disponible dans les déclarations sociales des entreprises (déclarations sociales nominatives / déclarations annuelles de données sociales). Le nombre d’heures rémunérées est donc utilisé, dans l’ensemble de l’étude, comme une approximation de la durée d’exposition au risque d’accident.
 

  • 1Code de la sécurité sociale, art. L.411-1.
  • 2L’article 21 bis de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983, dans sa version modifiée par l’ordonnance n°2017-53 du 19 janvier 2017.
  • 3Le règlement (CE) n° 1338/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif aux statistiques communautaires de la santé publique et de la santé et de la sécurité au travail établit, à l’article 2 et à l’annexe IV, des obligations concernant la communication de statistiques sur les accidents au travail à la Commission européenne (via Eurostat).
  • 4Sont concernés, les agents titulaires de la SNCF, de la RATP, d’EDF et de GDF, de la Banque de France, la majorité des marins professionnels du commerce, de la pêche maritime et de la plaisance, les salariés des mines et des ardoisières et les salariés agricoles d’Alsace-Moselle. Par ailleurs, les salariés des particuliers employeurs qui relèvent du régime général sont exclus de l’étude.
  • 5En 2019, hors transport routier, 261 300 salariés sont détachés au moins une fois en France par des entreprises établies à l’étranger. Le nombre de travailleurs détachés présents à une date donnée, qui est plus comparable au nombre de salariés en emploi, s’établit en moyenne à 72 600 [Yacine B., Parent G. (2021), « Qui sont les travailleurs détachés en France ? », Dares Analyses n° 34, juin].
  • 6Ces accidents sont bien comptabilisés parmi les 39 653 nouveaux accidents graves de 2019. Toutefois, ils sont exclus du nombre global des accidents du travail reconnus en 2019.