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Quel impact de la hausse de l'alternance depuis 2019 sur la productivité moyenne du travail ?

Au 3e trimestre 2022, la productivité du travail par tête des branches marchandes non-agricoles se situe 6,4 % en deçà de sa tendance prévalant avant la crise sanitaire liée au Covid-19.

Parmi les différents facteurs susceptibles d'expliquer cet écart, le développement de l'alternance y contribuerait à hauteur d'un cinquième, soit 1,3 point.

Depuis la crise sanitaire, la productivité du travail s’éloigne de sa tendance

La productivité du travail par tête1, qui rapporte la valeur ajoutée à l’emploi salarié, a connu des évolutions atypiques durant la crise sanitaire (graphique 1) : le recours massif au dispositif d’activité partielle a permis de limiter les destructions d’emploi, malgré la baisse inédite de la valeur ajoutée durant les périodes de confinement.

GRAPHIQUE 1 | Productivité du travail horaire et par tête

Au 3e trimestre 2022, la productivité par tête des branches marchandes non agricoles est bien en deçà de son niveau pré-crise (-3,0 % par rapport au 4e trimestre 2019). Elle est également nettement inférieure à la tendance qui prévalait avant la crise (-6,4 %) ; entre 2010 et 2018, le rythme de la productivité tendancielle se situait autour d’1 % par an. La productivité horaire se situe également très en deçà de sa tendance antérieure, alors qu’elle avait connu des évolutions opposées à celle de la productivité par tête durant la crise en raison d’effets prononcés de composition sectorielle2.

À partir de fin 2019, l’alternance progresse fortement

La hausse du nombre d'alternants, a priori moins productifs que le reste des personnes en emploi car étant plus jeunes, moins expérimentés et travaillant un volume d'heures plus faible du fait de leur temps de formation, est une des causes possibles de la baisse récente de la productivité du travail (encadré 1). À la suite de la loi de 2018 pour « la liberté de choisir son parcours professionnel » et de la mise en place, à l’été 2020, de mesures exceptionnelles dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution », le recours à l’alternance augmente dès la rentrée 2019 (graphique 2) : au 3e trimestre 2022, 1,1 million de personnes sont concernées (dont 87 % en contrat d’apprentissage), soit une hausse de 400 000 par rapport à fin 2018. En conséquence, la part de l’alternance dans l’emploi salarié s’accroit, pour atteindre 4,0 % au 3e trimestre 2022 (contre 2,7 % fin 2018).

GRAPHIQUE 2 | Nombre d’alternants et part dans l’emploi salarié

 

La croissance de l'alternance contribuerait au 3e trimestre 2022 à hauteur d'un cinquième de l'écart entre la productivité par tête et sa tendance pré-crise

Pour mesurer l’effet de cette forte croissance de l’alternance sur la productivité, il convient de prendre en considération la déformation de la composition de la main-d'œuvre entre les alternants et les autres salariés. Dans cette perspective, un niveau d’emploi salarié « ajusté de la qualité » est estimé, ce qui permet d’en déduire une productivité ajustée correspondante (note technique en ligne).

Au 3e trimestre 2022, l’emploi salarié « ajusté de la qualité » serait, dans le scénario central retenu ici, inférieur de près de 240 000 à celui effectivement observé (graphique 3). Ce résultat serait lié à l'effet, à court terme, de l’intégration d’un nombre croissant
d’alternants, soit parce que ces nouveaux arrivants seraient individuellement moins productifs que les autres salariés, notamment en raison de leur nombre moindre d'heures travaillées, soit parce que leur présence au sein des entreprises aurait un coût en termes de temps de travail productif dévolu à leur encadrement.

GRAPHIQUE 3 | Évolution de l’emploi salarié total, « ajusté de la qualité » et hors alternance

En « ajustant de la qualité » de la force de travail, la productivité par tête au 3e trimestre 2022 serait 1,3 point au-dessus du niveau observé (graphique 4). Ainsi, depuis 2019, l’effet de composition lié à la croissance de l’alternance jouerait à hauteur d’un cinquième de l'écart entre la productivité du travail par tête et sa tendance antérieure à la crise sanitaire.

Ce résultat est sensible aux hypothèses faites sur les différents paramètres du calcul de l’emploi « ajusté de la qualité » (note technique en ligne) : la baisse de la productivité se retrouve dans les différents scénarios, seule l'ampleur varie. Ainsi, dans deux cas extrêmes envisagés, l’emploi « ajusté de la qualité » serait inférieur à celui effectivement observé de 140 000 à 420 000 postes, ce qui correspondrait à un effet sur la productivité par tête compris entre 0,8 et 2,4 points.

GRAPHIQUE 4 | Productivité du travail par tête et productivité « ajustée de la qualité »


1 - Il s’agit ici de la productivité apparente du travail.
2 - Pour plus de détails sur l’évolution de la productivité pendant la crise sanitaire, voir l’éclairage « Pendant la crise sanitaire la productivité par tête et la productivité horaire du travail ont fortement fluctué », Insee, Note de conjoncture, décembre 2021.