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Les licenciements de CDI pour faute grave ou lourde refluent depuis l'été 2022

Les licenciements de CDI pour faute grave ou lourde en baisse début 2023.

Les licenciements de CDI pour faute grave ou lourde augmentent nettement du 1er trimestre 2021 au 2e trimestre 2022 (+47 %, soit +8 % par trimestre en moyenne, graphique A), notamment en comparaison des autres licenciements pour motif autre qu'économique (+5 % sur la même période), mais à l'instar des démissions (+49 %) ou des ruptures conventionnelles (+18 %). Ils décroissent à partir de l'été 2022, d'abord modérément (-4 % au 3e trimestre 2022, puis -3 % au suivant) avant de reculer davantage aux 1er et 2e trimestres 2023 (-11 % et -15 % respectivement). De leur côté, les démissions et les ruptures conventionnelles évoluent peu sur cette période. 

Au 2e trimestre 2023, les licenciements pour faute grave ou lourde sont inférieurs de 30 % au pic atteint au 2e trimestre 2022, et de 9 % par rapport au niveau qui prévalait avant la crise sanitaire, fin 2019. De leur côté, les démissions et les ruptures conventionnelles au 2e trimestre 2023 se situent au-dessus de leurs niveaux d'avant-crise (respectivement +25 % et +13 % par rapport au 4e trimestre 2019).

Des licenciements de CDI pour faute grave ou lourde correspondant pour une large part à des abandons de poste et pouvant varier pour des raisons conjoncturelles

Les licenciements pour faute grave regroupent ceux pour lesquels l'employeur estime que le salarié a agi de façon contraire à ses obligations à son égard, et que l'importance de la faute est telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, même pour la durée du préavis. On parle de faute lourde lorsque les agissements sont d'une particulière gravité, révélant une intention de nuire à l'employeur. Ces motifs de licenciement, qui ouvrent droit à l'Assurance chômage, ne sont donc a priori pas soumis à des aléas conjoncturels.

Toutefois, une enquête de la Dares auprès des entreprises ayant licencié un salarié pour faute grave ou lourde au 1er semestre 2022 montre qu'une proportion importante de licenciements de CDI pour faute grave ou lourde correspond à des abandons de poste (71 %)[5]. À partir d'une enquête auprès des seuls allocataires de l'Assurance chômage licenciés pour faute grave ou lourde, l'Unédic obtient également une proportion élevée d'abandons de poste (48 % en 2021 et au premier semestre 2022) et estime que le licenciement s'effectue dans la moitié des cas en accord entre l'employeur et le salarié [6].

Par ailleurs, l'enquête de l'Unédic montre que 80 % des personnes indemnisées par l'Assurance chômage suite à un abandon de poste disent qu'elles avaient demandé une rupture conventionnelle qui a été refusée par leur employeur. Elle indique également qu'un peu moins de la moitié (43 %) des allocataires de l'Assurance chômage licenciés pour faute grave ou lourde d'une part, et les ruptures conventionnelles et démissions d'autre part. Ces deux derniers motifs étant très liés à la conjoncture économique et au niveau des tensions de recrutement, il est possible que les fluctuations des licenciements pour faute grave ou lourde soient aussi reliées à la situation conjoncturelle.

Un repli des licenciements pour faute grave ou lourde intervenant dans un contexte de promulgation de la loi introduisant la présomption de démission pour abandon de poste

Jusqu'au 3e trimestre 2022, les licenciements pour faute grave ou lourde suivent une dynamique voisine de celle des ruptures conventionnelles et des démissions, et sont vraisemblablement pour partie liés à des comportements conjoncturels d'abandons de poste (graphique A). Depuis la fin 2022, les licenciements pour ce motif continuent de diminuer, s'éloignant de l'évolution des autres motifs de fin de CDI. 

Ce recul récent des licenciements de CDI pour faute grave ou lourde intervient alors que la loi du 21 décembre 2022 portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi introduit une présomption démission pour abandon de poste, mettant alors fin à la possibilité, dans ce cas, d'ouvrir un droit à l'Assurance chômage. Le décret d'application concernant la présomption de démission est pris le 17 avril 2023. 

Le nombre de licenciements pour faute grave ou lourde restant limité (343 700 en 2022, données complémentaires), il est difficile d'établir à ce stade si un effet de substitution avec d'autre motifs de fin de contrat, telles les démissions ou les ruptures conventionnelles, peut être à l'œuvre. Au 2e trimestre 2023, le nombre de démissions de CDI augmente légèrement sur un an (+0,8 %) et les ruptures conventionnelles sont en légère baisse (-1,1 %). 

Graphique A | Licenciements pour faute grave ou lourde de CDI et pour autres motifs non économiques de CDI, démissions de CDI et ruptures conventionnelles

Pour en savoir plus

Toutes les séries des mouvements de main-d’oeuvre sont disponibles via l’application interactive.

[1] Biotteau A.-L. & Dinh L.-D.(2023), « L’emploi intérimaire continue à baisser au 2e trimestre 2023 (−0,5 %) », Dares Indicateurs n° 48, septembre.
[2] Milin K. (2018), « CDD, CDI : comment évoluent les embauches et les ruptures depuis 25 ans ? », Dares Analyses, Dares, n° 26, juin.
[3] Milin K. (2018), « Reconstitution des mouvements de main-d’oeuvre depuis 1993 : guide méthodologique », Document d’études, Dares,
n° 221, juin.
[4] Milan K. (2 020), « Données sur les mouvements de main-d’oeuvre : évolutions méthodologiques entre juin 2018 et juillet 2020 », Note,
Dares, juillet.
[5] Brembilla L., Dorothée O., Graindorge G. (2023), « Combien de salariés abandonnent leur poste et que deviennent-ils ? », Dares Focus
n°12, février.
[6] Daudey E., Koehler B. et Martin F. (2023), « Les abandons de poste et l’Assurance chômage », Unédic Analyses, juin.

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