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Revue Travail et Emploi - Centenaire du ministère du Travail (deuxième partie) - N° 111 (2007)

Sommaire

LE MINISTERE DU TRAVAIL ET LE MONDE DE L’INDUSTRIE

Armand Imbert (1850-1922), la science du travail et la paix sociale

Thomas Le Bianic, François Vatin

Le souci de décrire les conditions du travail ouvrier, pour les faire évoluer, a fait partie des préoccupations du ministère du travail dès sa création, et cela dans le sillage de l’Office du travail qui l’a précédé. Nous examinons dans cet article la figure de l’un des précurseurs de la physiologie du travail en France : Armand Imbert (1850-1922), qui a collaboré avec l’administration du travail dans les années 1890-1920, soit dans la période qui précède la création du ministère du travail et dans celle qui lui succède immédiatement. Nous montrons l’originalité et l’actualité de cette œuvre, tout à la fois scientifique et sociale. Dans ses nombreux ouvrages, articles scientifiques et communications auprès des publics les plus divers, Imbert articule d’une façon originale et stimulante les méthodes de laboratoire, la statistique sociale et la clinique du travail sur les lieux mêmes du travail, afin de fournir des éléments positifs pour le dialogue social, tant sur les conditions de travail que sur la forme et le montant des rémunérations. Chez Imbert, le projet d’un arbitrage scientifique des conflits du travail ne s’oppose ainsi pas à la logique de la négociation sociale, mais, au contraire, se combine étroitement avec elle.

Armand Imbert (1850-1922), The Science of Work and social Peace

Thomas Le Bianic, François Vatin

The scientific observation of the working conditions of industrial labour, in order to improve them, has been an early concern of the French Ministry of Labour since its creation in 1906. In this article, we examine the works of a precursor of the psychophysiology of labour in France : Armand Imbert (1850-1922), who collaborated with the French labour administration between 1890 and 1920. We show the originality and the continuing topicality of his works, both from a social and scientific standpoint. In his numerous books, articles and conferences, addressed to the widest public, Imbert combinates in a stimulating and original way the methods of the laboratory with social statistics and a clinical approach to work situations in work settings themselves. These scientific methods are intended to provide management and labour with positive elements on working conditions, wages, industrial accidents and so on. In Imbert’s views, the ambition to arbitrate scientifically the labour conflicts is not opposed to logic of dialogue between employers and trade unions but, on the contrary, is intimately integrated to it.

Keywords : psychophysiology of labour ; working conditions, industrial accidents JEL : J 280, J 520, M 500

Le ministère du Travail, la Régie Renault et le contrôle des salaires (1944-1947)

Cyrille Sardais

Le ministre du Travail, dans les années qui suivent la Libération, se retrouve en charge d’une tâche étonnante : déterminer, pour toutes les entreprises de tous les secteurs, les salaires minima mais aussi maxima. A partir de l’exemple de la Régie Renault, et notamment des archives de son PDG, l’article fait ressortir les grands enjeux et contradictions qu’a posés cette législation, dans un contexte d’intense pénurie de main-d’œuvre et de baisse du pouvoir d’achat. Le PDG de la Régie Renault s’est ainsi trouvé confronté à un dilemme entre l’intérêt collectif d’une part - respecter la loi et ainsi aider le gouvernement dans sa tâche de Reconstruction - et l’intérêt individuel d’autre part - augmenter lui aussi les salaires pour faire face à ses confrères qui n’hésitent pas à contourner la législation en vigueur afin de débaucher son personnel qualifié.

French Labour Ministry, Renault and Legislation about Wages (1944-1947)

Cyrille Sardais

During the years after France’s Liberation, The Labour Ministry is in charge of an exceptional task : to set not only minimum but also maximum wages for all the firms in all sectors. We try to epitomize the stakes and contradictions of this legislation through the case and archive of Renault’s CEO in a context of qualified labour’s shortage and decrease of purchasing power. Renault’s CEO was then in a dilemma : choosing between collective and individualist interest, which means sticking to the law to support the Government’s efforts of rebuilding France on one side, or increasing wages too, like other CEOs who didn’t respect themselves the legislation on wages in order to hire his skilled employees, on the other side.

Keywords : industrial relations, strike, minimum wages, maximum wages, Renault’s CEO JEL : J 300, J 380, J 520

L’administration du travail et les conflits collectifs : Citroën et Talbot (1982-1983)

Claude Chetcuti et Nicolas Hatzfeld

Cette contribution étudie l’action de l’administration du travail dans les conflits collectifs, à partir des grèves de Citroën et Talbot en 1982, puis du conflit Talbot de l’automne 1983. Par leur gravité et leur retentissement, ces conflits mettent à l’épreuve les dispositifs d’action de l’administration. Cet examen comporte trois approches complémentaires. Premièrement, suivant une chronologie courte, les conflits sont examinés dans leur contexte économique, social et politique : d’abord, le « printemps syndical » répondant à la dynamique des réformes incarnées par Jean Auroux, puis les suppressions d’emploi, qui coïncident avec le passage à une politique gouvernementale de rigueur. La seconde partie est un témoignage de Claude Chetcuti, qui fut directement impliqué dans cette action en tant que directeur régional du travail d’Ile de France. La troisième partie reprend les modes d’action de l’administration, cette fois au fil du XXe siècle, pour tracer le cheminement français des lois et pratiques en la matière et situer le moment des conflits Citroën et Talbot.

Labour Administration and collective Conflicts : Citroën and Talbot (1982-1983)

Claude Chetcuti et Nicolas Hatzfeld

This issue analyses the Labour Administration action within collective conflicts among the Citroën and Talbot strikes in 1982, and then the Talbot conflict in 1983. Firstly, these conflicts are analysed within their economic, social and political context : dynamism of the beginning, redundancy and then rigor policy. The second part is the Claude Chetcuti’s personal report : he was involved in this action as Labour regional director in Ile-de-France. The third part examines administration strategies during the XX° century to trace back French practices and laws in this subject.
Keywords : Citroën, Talbot, strike, industrial relations, administration strategy JEL : J 500, J 520, L 920

LES RELATIONS PROFESSIONNELLES

Processus d’institutionnalisation de la démocratie industrielle et crises sociales en France et en Allemagne à la fin des années 1960

Olivier Giraud, Michèle Tallard, Catherine Vincent

On oppose souvent l’interventionnisme étatique français à l’autonomie tarifaire allemande dans l’analyse des systèmes de relations professionnelles. Le rapport au politique des acteurs de cette sphère, notamment telle qu’il émerge d’une comparaison des dynamiques d’institutionnalisation de la démocratie industrielle dans la période initiée par les crises sociales des années 68 et 69, invite cependant à réinterroger ces images stéréotypées. En effet, la confrontation croisée de ces processus montre que les tentatives de médiation politique pour renouveler les relations sociales existent dans les deux configurations nationales mais conduisent à des formes d’institutionnalisation contrastées tenant notamment à la place donnée au politique dans l’articulation entre les revendications immédiates et un projet de changement social dans les deux modèles de syndicalisme. Le travail de construction des compromis implique dans les deux cas des coopérations étroites entre la sphère des relations industrielles, des réseaux politiques et l’État, le ministère du travail occupant une position pivot dans ces processus d’élaboration et souvent dans la mise en œuvre des dispositifs.

Institutionalizing Dynamics of Industrial Democracy and social Crisis in France and in Germany at the end of the 60’s

Olivier Giraud, Michèle Tallard, Catherine Vincent

The work comparing the French and the German industrial relations systems usually contrasts the French state interventionism with the German tradition of an autonomous partnership among strong actors. These stereotypes might however be challenged by a further comparative analysis of the business associations’ and unions’ links to politics. The institutionalization dynamics of industrial democracy during the period following the social crisis of 68 and 69 demonstrate various common features between both cases. The transformation affecting the architecture of the industrial relations systems during the 70’s shows that a political intervention is necessary in both countries to modify the existing structure. Similar political interactions lead to opposite results in terms of institutionalization as in both trade unions’ traditions the role acknowledged to the political level as an arena to be actively used in order to fulfil goals differs a great deal. On the same time, the relationship to political actors impacts the unions’ priority setting in goal attainments, particularly between short term improvements of precise stakes and long term more encompassing social change projects. In both cases, the building of compromises implies narrow cooperation between industrial relations field, political networks and the state. The ministry of Labour plays a key role in these processes as well as in implementing the arrangements.

Keywords : industrial democracy, industrial relations system, France, Germany, institutionalization JEL : O 570, L 500, K 400

Les arrêtés Parodi sur les salaires : un moment de la construction de la place de l’État dans le système français de relations professionnelles

Jean Saglio

L’analyse de la politique des salaires mise en place à la libération permet de comprendre la production de certains traits caractéristiques du système français de relations professionnelles et notamment le lien entre le rôle joué par l’État et la propension des autres acteurs à récuser la négociation. L’article est fondé sur une analyse des textes de réglementation des salaires produit par le ministère du travail en 1945 connus sous le terme « d’arrêtés Parodi » (à l’exception des textes définissant les variations géographiques). En affinant l’analyse sur le cas des commerces alimentaires, il montre comment l’intervention de l’état conduit les autres acteurs à privilégier la récrimination sur la coopération fut-elle conflictuelle.

Ministerial Texts and the specific History of Rules Production Process in French post-Liberation Industrials Relations

Jean Saglio

French post-Liberation wages policy lies on the Ministre du Travail publication of precise rules for every industry. Theses rules were prepared by negotiations procedures between employers associations and unions but, formally, published texts were only ministerial decisions. State positions and others actors difficulties in postwar French system of industrial relations to bargain are partly explained by such a strategy. The article focuses its analysis on the corpus of ministerial texts and on the specific history of rules production process in food trades industry.

Keywords : wages policy, negotiation, industrial relations JEL : K 310, K 400, L 500, L 800

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