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Plan d’investissement dans les compétences : une évaluation en continu

Interview - Marc Gurgand, Professeur d’économie à l’École d’économie de Paris, et président du comité scientifique d’évaluation du PIC, nous présente les missions du comité, ainsi que le rôle de la Dares.

Le Plan d’investissement dans les compétences (PIC) vise à former 1 million de demandeurs d’emploi peu ou pas qualifiés et 1 million de jeunes éloignés du marché du travail. Son lancement en 2018 a tout de suite été accompagné de la mise en place d’un comité scientifique indépendant, afin de mener des évaluations des différentes actions et programmes conduits dans ce cadre. 

Quelles sont ses missions concrètes ? Que produit-il ? Quel est le rôle de la Dares, qui en assure le secrétariat ? Marc Gurgand, Professeur d’économie à l’École d’économie de Paris, et président du comité scientifique d’évaluation du PIC, nous explique.


L’investissement dans les compétences est un volet majeur du Grand plan d’investissement 2018-2022 ; c’est dans ce cadre qu’a été lancé le PIC. Comment le présenteriez-vous ?

Le PIC vise à former les demandeurs d’emploi et les jeunes en difficulté – principalement les moins qualifiés d’entre eux – dans l’espoir que cette étape de formation soit décisive pour leur parcours d’insertion dans l’emploi. 

C’est un très vaste programme qui engage beaucoup de ressources, et une multitude d’actions, d’acteurs, de partenaires, d’outils de financements…. Pour rappel, la formation professionnelle est la compétence des régions – une grande partie du programme consiste donc en une contractualisation entre l’État et les régions, le premier abondant le budget de formation des régions, et les secondes s’engageant en contrepartie à mettre en œuvre une série d’actions. Cela passe par la mise en place des « pactes régionaux d’investissement dans les compétences », des contrats entre les régions et l’État.

À côté de cela, on a aussi un ensemble de programmes nationaux, mis en œuvre soit par Pôle emploi, soit via des programmes qui font l’objet d’appels à projets auprès de toutes sortes d’acteurs, y compris associatifs, comme cela est le cas avec l’appel « 100 % inclusion » par exemple. 

Mais d’autres enjeux existent aussi : améliorer la qualité pédagogique des formations ; accroître la continuité des parcours de formation, en gérant mieux les transitions d’une formation à une autre par exemple et en coordonnant l’ensemble au plus près des personnes ; et enfin répondre aux besoins des compétences des entreprises, en adaptant les actions de formation selon leurs attentes.

L’évaluation joue un rôle déterminant dans la mise en œuvre du PIC, avec la mise en place d’emblée d’un comité scientifique.

L’évaluation a été lancée dès le début du programme. Un comité scientifique totalement indépendant a ainsi été mis en place ; il est aujourd’hui composé de 17 chercheuses et chercheurs issus de disciplines variées (sciences de l’éducation, sciences politiques, économie, psychologie, sociologie…) et de pays différents.

La Dares, qui en assure le secrétariat, fournit tout le travail de préparation et de suivi des appels d’offre, l’animation des comités de suivi, la préparation des rapports, etc. Elle produit également des données.

Concrètement, le conseil scientifique lance des appels à projets de recherche et des marchés pour faire travailler des équipes sur une multitude de sujets pour produire la matière à partir de laquelle il va réfléchir, synthétiser, et à terme tirer des conclusions. Car vous l’avez vu : le travail est gigantesque et nécessite d’aller sur beaucoup de terrains.

On arrive actuellement à la fin du lancement de tous les marchés et projets : en tout, ce sont une cinquantaine qui ont été lancés – le travail réalisé est énorme !

Pouvez-vous citer quelques-uns de ces projets d’évaluation ?

Si l’on revient aux pactes régionaux cités tout à l’heure, on a collectivement besoin de comprendre comment fonctionne cette interaction État-région, d’identifier ce que ces pactes produisent et observer comment ils font évoluer les politiques régionales de formation. Le comité scientifique a donc commandé huit
« monographies » régionales, des études très détaillées : plusieurs équipes vont se déplacer dans huit régions différentes et observer comment tout cela se met en place. Le fruit de cette évaluation sera absolument essentiel pour nous.

À côté de ce type d’évaluation, au final assez générale sur le PIC, on peut également mesurer les effets de programmes plus précis, comme par exemple « Prépa compétences » mis en place par Pôle emploi : à la fois avec des évaluations qualitatives (comment est-ce mis en œuvre, comment est-il reçu, etc.), mais aussi quantitatives : est-ce que les personnes qui suivent une Prépa compétences rentrent ensuite davantage en formation ? Et si oui, vers quels types de formation, etc.

On commence tout juste à recevoir les premiers résultats de la cinquantaine de projets d’évaluations lancés. Notre travail – les interpréter, en tirer des conclusions – débute donc tout juste, et nous en faisons état dans chaque rapport annuel ; le deuxième est d’ailleurs en cours de préparation et sera diffusé au cours de l’automne 2021.

En parallèle des différentes évaluations menées, la Dares produit également des données sur la formation des moins qualifiés pour alimenter la réflexion. Pouvez-vous nous en dire plus ?

La production de données est en effet l’autre instrument essentiel pour nos travaux. La Dares le fait notamment à travers deux énormes opérations. D’abord, une enquête auprès des sortants de formation professionnelle, qui donne une photographie régulière et très fine des sorties du système de formation. 

Et ensuite, avec « Force », qui est un dispositif d’appariement de données absolument gigantesque et à mon avis un peu unique au monde, et qui permet de donner à voir les trajectoires professionnelles de l'ensemble des personnes ayant fréquenté Pôle emploi, ou une mission locale ou ayant suivi une formation en tant que stagiaires de la formation professionnelle. Car on connaît très mal le parcours des personnes…

« Force » nous permettra de comprendre un peu mieux les trajectoires professionnelles, d’une formation à une autre, pour nos populations cibles, en répondant aux questions que l’on se pose : quels sont les taux d'accès aux formations ? Constatons-nous des modifications dans les parcours des chômeurs vers la formation ? Concernant l’enjeu « Répondre aux besoins de formation des entreprises » : est-ce qu’on a réussi à orienter les chômeurs vers des formations sur des métiers davantage en tension par exemple ? Est-ce que les formations se sont mieux enchaînées les unes aux autres ? Est-ce qu’elles ont débouché vers de l’emploi ? Dans quelles conditions ? Quels secteurs ? Vers quels métiers ?

Le temps de l’évaluation est par définition un temps long. En quoi est-ce particulièrement le cas concernant le PIC ?

Il faut se souvenir que le PIC est relativement récent, et qu’avant même de pouvoir évaluer, il faut que les programmes soient conçus, mis en œuvre sur le terrain, qu’ils aient recruté des personnes à former, etc. On observe donc tout cela de près, mais on souhaite ensuite mesurer les effets sur l’insertion dans l’emploi ou sur les entrées en formation : par nature, cela prend du temps.

Bien sûr, nos résultats, au fur et à mesure qu’ils arriveront, permettront de répondre à des questions de court terme. Mais quand on fait l’évaluation d’un programme de cette ampleur, on apprend aussi des choses qui vont contribuer à la réflexion des décideurs publics dans les années à venir.