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Revue Travail et Emploi - Union européenne - N° 107 (2006)

Sommaire

La Stratégie européenne pour l’emploi : une politique d’offre de travail

Gilles Raveaud

La Stratégie européenne pour l’emploi (SEE) est une politique européenne originale au sens où elle ne dispose pas de moyens contraignant les États membres à suivre les « lignes directrices » qu’elle défi nit. De ce fait, la SEE est une politique du discours. L’article se propose de présenter et de critiquer ce discours, à partir des indicateurs statistiques qu’elle mobilise. L’auteur commence par donner les raisons de l’adoption du taux d’emploi comme indicateur central de la SEE. Puis il montre les limites de cet indicateur, concernant principalement les bornes d’âge retenues ainsi que la prise en compte des emplois à temps partiel. Enfin, l’article pointe les risques courus par le modèle social européen du fait de la priorité accordée à l’augmentation du taux d’emploi. Ces risques découlent notamment de l’absence d’indicateurs de qualité des emplois et de la priorité accordée par la SEE à la diminution du taux de prélèvements obligatoires.

The European Employment Strategy : a Labour Supply Policy

Gilles Raveaud

The European Employment Strategy is an original policy in the sense that it has no means to constrain EU member states to follow its guidelines. Thus, the EES can be labelled a politics of discourse. It is this discourse that we propose to present and criticise. We start by explaining that the employment rate has been adopted as a consensual objective among member states. We then point out the limits of the employment rate, which concern mainly the age brackets and the question of part-time jobs. Last, we stress the risks for the European social model of some policies advocated for by the EES, such as the development of temporary and part-time jobs and the diminution of social security contributions and taxes.

Keywords : EES, employment rate, European social model JEL : J180, J 640, O 520

L’emploi des 55 ans et plus en Europe entre Work Line et préretraite

Gerhard Bosch, Sebastian Schief

L’Union européenne s’est fi xé des objectifs ambitieux en matière d’emploi des seniors. L’article analyse à l’aide des données de l’Enquête européenne sur les forces de travail pour 2004 la part des travailleurs âgés de 55 à 64 ans sur le marché du travail. Il est ensuite démontré que les pays possédant une politique de Work Line, c’est-à-dire d’activation de toutes les personnes en âge de travailler, tels la Suède et le Danemark, affichent un taux d’emploi de seniors nettement supérieurs à ceux de pays, tels la France et l’Allemagne, qui ont fortement eu recours à la retraite anticipée.
La comparaison des pays Work Line et des pays « préretraite » fait ressortir six grappes de problèmes (problèmes d’égalité des sexes, d’humanisation du travail, de qualification, de flexibilité, de motivation et de croissance) dont le remède jouera un rôle primordial pour faire progresser le taux d’emploi des travailleurs de 55 ans et plus. Une politique d’emploi spécifique à ces travailleurs ne pourra pas à elle seule résoudre tous ces conflits.

Older employees in Europe between “work line” and early retirement
Gerhard Bosch, Sebastian Schief

The European Union has set itself ambitious targets for the employment of older workers. In March 2001, the European Council, meeting in Stockholm, declared that by 2010 at least half of the EU population aged between 55 and 64 should be in employment. The present article examines the participation of older employees in the labour market on the basis of the 2004 European Labour Force Survey. At present, only 5 of the 15 old member states already have an employment rate in excess of 50 % among the 55 to 64 age group. Countries that have implemented the so-called “work line” policy (Denmark and Sweden), which seeks to mobilise all individuals of working age, exhibit clearly higher employment rates than countries with highly developed early retirement policies (Germany and France). The comparison between the “work-line” countries and “early retirement” countries reveals the existence of six sets of problems (equality problem, work humanisation problem, qualification problem, flexibility problem, motivation problem and growth problem). The resolution of which is fundamental of any attempt to raise employment rates among older workers. These conflicts cannot be resolved with a purely age-specific policy.

Keywords : Employment, International, Labour market, Social Policy JEL : J220, J260, J680, O520

MARCHÉ DU TRAVAIL / LABOUR MARKET

Facettes du déclassement, quel rôle pour les politiques de l’emploi ?

Laurence Lizé

Quelle est l’ampleur du déclassement à l’embauche pour les jeunes qui s’insèrent actuellement sur le marché du travail ? Pour une part non négligeable d’entre eux, cette entrée se fait sur un contrat aidé de la politique de l’emploi. Les dispositifs publics en faveur des jeunes protègent-ils du déclassement ? L’hypothèse retenue est que le déclassement peut s’analyser comme un problème de fi le d’attente et que les emplois aidés agissent sur les phénomènes de concurrence pour l’emploi. À partir de l’enquête « Génération 98 » du Céreq et afin de percevoir plusieurs visages du déclassement, une approche statistique, fixant des normes, est confrontée à une approche subjective, telle qu’elle est ressentie par les salariés. L’analyse des décalages entre la catégorie socioprofessionnelle de l’emploi occupé et le niveau de diplôme des jeunes montre que, jusqu’au niveau bac+2, les emplois aidés préservent du déclassement. Cependant, les bénéficiaires des mesures pour l’emploi se sentent plus souvent que les autres employés en dessous de leur niveau de compétence, c’est-à-dire déclassés « subjectivement ». Des espaces de mobilité différenciés peuvent ainsi être identifiés sur un marché du travail segmenté.

Young People Dowgrading and Employment Policies

Laurence Lizé

This research takes an interest to the gap between employment and education of young people in the survey “Generation 98” of Céreq. This research compares the positions of young people who are recruited on jobs with “classic” status and “subsidised” jobs. A lot of people are downgrading because their level of education are superior to the level of job’s qualification. A statistical method (match between qualifications and socio-economic group) is confronted with a subjective approach (the person interviewed feels downgraded or not). These different approaches suggest that downgrading is an important phenomenon, it is more strong in “classic” labour market than in the “subsidised” jobs.
This fact testifies to the strong selection of the employers. The hypothesis is that relegate position is a queuing problem in the labour market and the “subsidised” jobs influence the competition for job.

Keywords : Labour market, employment policies, subsidised jobs, young people, downgrading JEL : J600, J630, J780

FORMATION PROFESSIONNELLE / VOCATIONAL TRAINING

Le rôle de l’encadrement intermédiaire dans la formation en entreprise

Didier Gélot

Prenant appui sur plusieurs monographies, cet article s’interroge sur la place occupée par l’encadrement intermédiaire dans la « construction » de la formation en entreprise. L’article met particulièrement en évidence l’écart entre la rhétorique managériale, qui développe abondamment la nécessité d’impliquer l’encadrement de premier niveau dans la définition et la mise en oeuvre de la formation, et la réalité de terrain qui montre un désinvestissement relatif de ce public vis-à-vis d’un domaine qui n’apparaît pas comme prioritaire. Les entretiens montrent que, quelle que soit la place accordée à la démarche compétence dans les politiques de gestion de la main-d’oeuvre des entreprises, les pratiques de l’encadrement dans ce domaine apparaissent peu diversifiées. Il invite en conclusion à s’interroger sur l’impact du nouveau contexte législatif, issu de la loi de mai 2004, sur l’évolution des pratiques managériales concernant l’amélioration des compétences individuelles et collectives en entreprise.

The Involvment of french Firms’Middle Management in training Programs

Didier Gélot

This contribution aims at analysing the involvement of French firms’middle management in training programs.
Sociological research rarely focuses on this professional group. The paper highlight the gap between managerial speech which abundantly stresses the importance of middle management involvement in the definition and implementation of firms training programs and their practices rather consisting in investment withdrawal with respect to this field.
Interviews show that middle management attitudes towards training are little diversified from a firm to another in respect of the emphasis placed on step competencies in policies of management of labour. Lastly, we analyse the impact of recent legislation on the evolution of management practices towards collective and individual skills improvement.

Keywords : middle management, firms training programs JEL : J240, M500, M530

L’accès à la formation en entreprise au regard des modes de gestion de la main-d’oeuvre

Coralie Perez, Josiane Vero

L’accord interprofessionnel du 20 septembre 2003 relatif à l’accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle et repris dans la loi du 4 mai 2004 est venu inscrire la négociation en entreprise dans un cadre sociétal.
Mais certaines entreprises n’ont pas attendu la signature de cet accord pour mettre en oeuvre des dispositions similaires.
En se basant sur des monographies d’entreprise croisant le regard des salariés, des représentants du personnel et de la direction de l’entreprise, cet article s’interroge sur l’influence du mode de gestion de la main-d’oeuvre dans cette anticipation. Il montre que les entreprises qui ont mis en oeuvre une démarche compétence sont aussi celles qui ont créé un espace formalisé et délibératoire autour de la formation reposant sur l’entretien annuel. Mais faute d’implication des partenaires sociaux, les outils et procédures mis en place ne permettent pas véritablement d’accroître les capacités d’action des salariés.

Access of Workers to vocational Training and Management Modes

Coralie Perez, Josiane Vero

The national inter-professional agreement of 20 September 2003, concerning access of workers to vocational life long learning, aims at “enabling every salaried worker to become actor of his/her own training”. Its intention is to organise a negotiation platform between employer and worker thanks to a career interview. Some enterprises did not wait for this law to be enacted to implement similar processes. The adoption of the so-called competence-approach and the strategic role devolved to the career interview in this context, has contributed to this anticipation. Based on case studies confronting workers, managers and HR executives’points of view on enterprise training, this paper deals with the links between training access negotiations and HR management modes. It shows that firms that have implemented a “competence approach” are also those who formalised a negotiable and open space on training issues based on the annual career interview. However, because of a lack of involvement of the social partners, the tools and processes put in place do not allow for a real increase of workers capabilities.

Keywords : life long learning, vocational training, firms management.
JEL : J240, M500, M530

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