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Les accords collectifs d'entreprise et plans d'action en faveur de l'emploi des salariés âgés : une analyse de 116 textes

Comment les injonctions performatives de la loi ont-elles été comprises, adaptées ou travaillées, afin de les rendre compatibles avec les réalités singulières de chaque entreprise ?

La loi 2008-1330 de financement de la sécurité sociale pour 2009 du 17 décembre 2008 visait, en son article 87, à ce que les entreprises employant au moins 50 salariés ou appartenant à un groupe de 50 salariés ou plus, engagent une démarche en faveur du maintien dans l’emploi des travailleurs âgés. Elle prévoyait que les entreprises non couvertes par un accord de branche étendu, un accord d’entreprise ou un plan d’action en faveur de l’emploi des salariés âgés, soient soumises à une pénalité financière d’un montant de 1% de leur masse salariale à compter du 1er janvier 2010. Cette date limite a été repoussée le 14 décembre 2009 au 1er avril 2010 pour les entreprises de 50 à 299 salariés.

Cette disposition législative appelant à la négociation décentralisée pose la question de l’appropriation du texte législatif par les acteurs dans un délai relativement court (six mois puis neuf mois pour les plus petites entreprises suite au report de trois mois de la date limite) et dans un cadre apparemment strict puisque les objectifs et les domaines d’action étaient prédéfinis. En d’autres termes, comment les injonctions performatives de la loi ont-elles été comprises, adaptées ou travaillées, afin de les rendre compatibles avec les réalités singulières de chaque entreprise ?

Pour tenter de répondre à ces questions, la présente étude analyse 116 plans d’action et accords d’entreprise déposés auprès des services déconcentrés des Ministères chargés du travail et de l’emploi constituent un échantillon non représentatif, émanent d’entreprises de toutes tailles et ont été sélectionnés dans des secteurs d’activité très différents (Industrie, Construction, Commerce, Transports, Services aux entreprises et aux particuliers, Administration et activités associatives).

Bien que la seule lecture des accords et des plans ne permette pas de prendre en compte tout le contexte de leur élaboration et soit, en définitive, le résultat de plusieurs strates d’interprétation, il est possible de dégager quelques points de régularité. Formellement, les accords et les plans respectent les obligations légales de chiffrer les objectifs généraux assignés et de s’emparer de 3 des 6 domaines d’action proposés. Deux domaines d’action sont largement choisis par les rédacteurs : l’« Anticipation de l’évolution des carrières professionnelles » et le « Développement des compétences et des qualifications et accès à la formation », et des outils sont clairement privilégiés pour les concrétiser, tels le droit individuel à la formation (DIF), la validation des acquis de l’expérience (VAE), les entretiens de seconde partie de carrière. Cependant, selon le secteur d’activité, ce constat général doit être nuancé : ainsi le « Recrutement de salariés âgés », peu retenu, est-il plus souvent mentionné dans le secteur des services aux entreprises, dans lequel les embauches globales sont toujours dynamiques.

Au-delà de ces traits communs, l’analyse a permis de repérer les textes élaborés dans un but de sécurisation juridique vis à vis de la pénalité (souvent dans l’urgence), et ceux qui assurent la continuité de politiques déjà en place. Mais elle a fait surtout apparaître certaines confusions et ambigüités. Confusions entre objectif et indicateur par exemple. Ambigüités découlant des marges d’interprétation qu’offre la loi elle-même, qui ne donne pas d’indication sur le chiffrage des objectifs, ni sur la définition précise du « salarié âgé », ce qui permet à certaines entreprises de rester floues dans leur formulation ou de se ménager des marges de manœuvre non négligeables. Les questionnements rencontrés lors de cette étude des textes invitent à poursuivre l’analyse sur le terrain auprès des divers acteurs parties prenantes de la négociation.