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Le recours au chômage partiel entre 1995 et 2005

Le chômage partiel permet à un établissement qui fait face à un choc conjoncturel de réduire temporairement son activité au-dessous de la durée légale ou d’arrêter momentanément toute ou partie de son activité.

La théorie économique met en évidence deux rôles joués par le chômage partiel. D’abord celui d’outil de protection de l’emploi, car il vise à éviter les licenciements économiques en cas de « coups durs » pour l’établissement. Par ailleurs, le législateur stipule que le chômage partiel ne doit être utilisé que dans des circonstances exceptionnelles, cela traduisant le fait qu’il représente un événement rare. Ensuite le chômage partiel constitue un instrument de flexibilité puisqu’il permet d’adapter le volume d’heures travaillées aux variations d’activité des établissements. La flexibilité permettrait un recours moins limité au chômage partiel, dans la mesure où il pourrait être utilisé pour des situations de baisse d’activité relativement prévisibles et donc pas nécessairement exceptionnelles, dans des cas où la survie de l’établissement ne serait pas nécessairement en jeu.

En France, entre 1995 et 2005, le recours au chômage partiel a fortement diminué. On peut identifier deux facteurs principaux de baisse des autorisations de chômage partiel sur cette période : les évolutions conjoncturelles et un grand mouvement structurel qui est la réduction du temps de travail et qui s’est accompagné par le changement du régime réglementaire du dispositif.

Ce document d’étude vise à caractériser, tout en l’expliquant la baisse du chômage partiel et à déterminer quel rôle économique joue aujourd’hui ce dispositif en France. Pour ce faire, les fichiers mensuels d’autorisations de chômage partiel couvrant la période de 1995 à 2005 sont utilisés et appariés à différents fichiers administratifs. En moyenne, seule la moitié des autorisations de chômage partiel est en réalité consommée chaque année par les établissements français. L’information sur l’utilisa-tion effective du chômage partiel est disponible à un niveau agrégé, mais n’existe pas au niveau de l’entreprise ou de l’établissement. Dans ce document d’étude, nous expliquons donc les tendances dans les autorisations de recours au chômage partiel au sein des établissements français qui sont un indicateur des besoins anticipés par les dirigeants de ces établissements. Le travail est organisé de la façon suivante.

La première partie définit le cadre règlementaire du chômage partiel et son évolution. Nous observons que les autorisations de chômage partiel sont déterminées par la conjoncture économique, et que l’aménagement et la réduction du temps de travail qui s’est accompagnée d’une réforme du dispositif de chômage partiel constitue le choc majeur susceptible d’expliquer la baisse drastique des autorisations de chômage partiel. Par ailleurs, en analysant statistiquement la dynamique des autorisations de chômage partiel, plusieurs faits stylisés sont mis en évidence : la baisse structurelle des autorisations de chômage partiel, leur forte saisonnalité quel que soit le cycle économique, la contra-cyclicité de la durée et de la récurrence des autorisations de chômage partiel. En étudiant les dynamiques sectorielles et par taille d’établissement, nous observons que le chômage partiel autorisé concerne avant tout l’industrie, ce sont les petits établissements qui sont les plus nombreux à bénéficier des autorisations de chômage partiel, alors que les établissements de 50 à 499 salariés concentrent le plus grand nombre de jours autorisés et de salariés concernés.

La deuxième partie évalue l’impact de la réduction effective du temps de travail sur le recours au chômage partiel qui constituent deux outils de flexibilité interne. Pour ce faire, les données sur les autorisations de chômage partiel sont appariées au fichier Aubry et aux fichiers « Bénéfices Réels Normaux » (1994-2003). Les modalités de mises en œuvre de la réduction effective du temps de travail étant très hétérogènes entre les établissements, nous distinguons les établissements ayant anticipé la réduction effective du temps de travail, de ceux qui ne l’ont pas anticipée et de ceux qui ne l’ont pas réduite de façon effective. Nous estimons des modèles d’appariement sélectif sur un panel cylindré d’établissements français. Les résultats obtenus montrent que les établissements anticipateurs ayant sollicité des aides structurelles demandent globalement un peu moins d’autorisations de chômage partiel que ceux n’ayant pas réduit leur durée effective du travail. Les établissements anticipateurs, quant à eux, demandent nettement moins d’autorisation de chômage partiel que les établissements non anticipateurs. Ces résultats suggèrent un effet de substitution entre le chômage partiel et la réduction du temps de travail principalement lié à leur rôle d’instruments de flexibilité interne. Cela conduit à émettre l’hypothèse que la réduction du temps de travail recentre le chômage partiel sur sa fonction initiale de protection de l’emploi.

La troisième partie se concentre sur les relations qu’entretient le chômage partiel avec les outils de flexibilité externe, en appariant les données sur les autorisations de chômage partiel aux « Déclarations sur les mouvements de main d’œuvre » de 1996 à 2004. Un des objectifs de cette partie est de situer le recours au chômage partiel par rapport aux CDD et à l’intérim.
Les résultats obtenus montrent que le chômage partiel apparait substituable à ces deux outils de flexibilité externe. Lorsqu’un établissement connait des épisodes de chômage partiel, il ralentit ses « recrutements flexibles ». Néanmoins, cette relation de substitution est très faible lorsqu’on contrôle les effets fixes et les biais de sélection. Ce résultat souligne l’utilité du dispositif de chômage partiel. Il signifie que les établissements n’utilisent pas le chômage partiel dans le but de subventionner une stratégie de flexibilité. Ce dispositif semblerait plutôt pallier l’insuffisance des outils de flexibilité externe (CDD, intérim) qui ne permettraient pas de surmonter des difficultés conjoncturelles non-anticipées. Un deuxième objectif est de déterminer l’impact du chômage partiel sur les licenciements économiques. Cette sous-partie ne s’intéresse pas uniquement à la relation entre le chômage partiel et cet autre dispositif de flexibilité externe mais explore en même temps la fonction de protection de l’emploi du chômage partiel. Cela a nécessité de mettre en œuvre des modèles économétriques qui contrôlent l’inobservabilité du comportement des employeurs et les biais de sélection. Il ressort que le chômage partiel ne protège pas du licenciement économique. En ce sens, il freinerait le déclin des établissements en difficulté et ne serait pas efficace. Il convient cependant de relativiser cette interprétation en termes d’efficacité.
En effet, travailler sur un échantillon cylindré comme nous l’avons fait, ne permet pas d’appréhender le processus de survie des établissements. Par ailleurs, pour juger de l’efficacité du dispositif de chômage partiel, il faudrait pouvoir mener des analyses en termes de coût, ce qui n’est pas permis par les données mobilisées.

La Dares a financé ce projet sur le chômage partiel dans le cadre d’une convention entre le Centre d’Etudes de l’Emploi (CEE), le Centre d’Etudes et de Recherches sur les Qualification (CEREQ) rattaché à l’Université d’Orléans et le Laboratoire d’Economie d’Orléans (LEO).